J’avais décidé d’aller faire un tour en ville. Il y avait déjà longtemps que je restais enfermée dans l’Hôtel, par peur de faire de trop grosses gaffes ou alors de me perdre. Cependant, ayant mis de l’argent de côté, j’avais désormais suffisamment d’argent pour me payer un taxi aller-retour dans la ville de San Francisco, du moins, je l’espérais. En effet, je faisais une approximation de ce que ça me coûterait, mais rien ne me disait à combien de temps exactement on était de la ville. C’est donc le cœur plein d’excitation, mais surtout de craintes que je suis montée à bord du taxi. En regardant le paysage défiler devant mes yeux, cela me rappelais quelque peu mon arrivée à l’Hôtel. Je désirais un peu plus d’autonomie et surtout m’éloigner de ce monstre qu’est mon père. Je sentais monter en moi une vague de nostalgie. Je me rappelais très clairement les circonstances dans lesquelles j’étais finalement partie de la maison familiale et comment je me sentais dans un taxi, en sens inverse.

Sans que je puisse réellement y faire quelque chose, mon esprit m’amena encore plus loin dans mes souvenirs, bien avant ma venue à l’Hôtel. J’avais une vision de notre famille, heureuse, attablée autour d’un bon repas cuisiné par ma mère qui était blonde et enceinte à l’époque. Mes deux autres sœurs, dont l’une tentait de m’imiter et l’autre qui avait encore besoin d’un peu d’aide pour manger. Mon père aussi était là, plus présent que jamais, heureux et sincère… Oh, ça faisait si longtemps… J’avais du fermer les yeux pour ne pas pleurer. En pensant à mon père, il n’y avait jamais rien de bon qui finissait par s’en dégager. En ce moment, j’avais une énorme boule dans le gorge et je n’avais qu’envie de pleurer. Mais c’était si étrange que je n’arrivais même plus à savoir si c’était de rage ou de tristesse que je me sentais si mal. Ma famille me manquait tellement… Cette époque heureuse me manquait aussi tellement… Je ne sais pas ce que j’aurais donné pour pouvoir y retourner…

Le taxi finit par me déposer exactement là ou je lui avais demandé. Vraiment, il était fort. Après avoir vu le montant exigé, je me suis rendue compte avec plaisir que j’aurais bien assez d’argent pour le payer et même pour revenir! Le coeur léger, la tête vide de toute pensée négative, j'avais commencé à marcher. Il me semblait que la ville était si grande, si vaste, que jamais je n'en verrais la fin. J'avançcais, au btravers le foule et voyais toujours pleins de nouvelles choses et de nouvelles rues. Il y avait d'ailleurs beaucoup de rues perpendiculaires à elle sur laquelle j'étais, cependant, connaissant mon talent et surtout, mon sens de l'orientation, je préfèrais rester sur la même rue. Je mettais ainsi toutes les chances de mon côté pour ne pas me perdre et ainsi finir violée et tuée dans une ruelle sombre et peu fréquentée, faisant en sorte qu'on ne me retrouve que plusieurs jours (voir même semaines) plus tard... Oui, j'ai l'imagination fertile. C'était un défaut et une qualité, dans le sens ou dans le moment présent, cela me permettrait au moins de ne pas me perdre!

J'étais emballée par ma petite sortie improvisée et solitaire. Cela m faisait du bien de passer du temps seule, avec pour unique objectif de me détendre etde prendre du bon temps. J'arrivais désormais à une sorte de carrefour, avec, au plein centre, un puits aux suhaits. Cela me fit bien rire et je me rapellais que la plus vieille de les petites soeurs aimait bien ce genre d'attraction. Avec une pensée tout spéciale pour elle, je me mis à vite chercher un sous noir, pour faire un voeu. Au moment de lâcher mon sou, j'ai hésité. Je ne savais pas ce que je pourrais bien souhaiter. C'était comme si, soudain, j'avais tout ce que je désirais. Ou peut-être je cherchais la formulation parfaite pour mon voeu? Comme je me posais cette question, j'ai remarqué qu'il y avait une femme brune et très jolie, assise sur le rebord du puits, sur le côté gauche. J'ai donc décidé de m'approcher d'elle et de lui demander de l'aide.

-Excusez-moi mademoiselle... Je ne vous dérangerai pas longtemps, je me demandais juste ce que vous, vous souhaiteriez...? Je me cherche des idées de voeux, pour le puits...

J'ai éclaté d'un petit rire gêné, mais j'avais sur le visage un grand sourire et mes grands yeux curieux.

[Pardonne-moi du délais, de la longueur, et de la qualité.]

Environ un mois plus tôt, Emyria avait découvert le puits du Golden Gate Park. La jeune génie était allée se promener dans le parc, ce jour-là, pour se détendre un peu. C'était une belle journée ensolleilée et Emy avait profité de son congé pour laisser l'air frais lui redonner des couleurs, ce que l'arrière du comptoir de la réceptio de l'hôtel lui permettait très peu de faire. Son maître adoré lui avait dit qu'il n'avait pas besoin d'elle, car il était occupé à draguer une femme...ou un homme. Emyria ne se souvenait plus. Même si Jason ne lui exigeait pas de comptes sur tout ce qu'elle faisait, la génie préférait lui demander la permission et l'avertir avant de quitter le coin de l'hôtel. Bien sûr, un seul murmure de son maître et elle était à côté de lui, mais elle ne voulait prendre aucun risque de lui déplaire. Ce jour-là, elle était donc allée harceler Jason jusqu'à être certaine qu'il la préférait loin de lui pour plusieurs heures avant de finalement quitter l'hôtel en direction de ce parc dont tant de clients lui avaient vanté les qualités.

Emy n'avait pas été déçue. L'endroit était magnifique, surtout au début de l'après-midi, quand le soleil perçait de manière presque aveuglante entre les feuilles des arbres. À toute heure du jour, le parc était remarquable, mais c'était à ce moment de la journée que la jeune femme l'avait contemplé pour la première fois. Elle s'était ensuite laissée guider par ses pas, marchant avec légèreté dans ce petit bout de nature contrôlée au milieu de la ville. Puis, elle avait vu le fameux puit. Tout en roche, d'un style ancien avec la manivelle et la corde pour remonter le seau, il avait un charme indéniable. Bien sûr, vu son âge, la manivelle était coincée et la corde avait durci au point qu'on doutait qu'elle puisse s'enrouler davantage ou se dérouler. Le temps avait figé le puits, ce qui lui donnait un air mystérieux et étrange. Emy était allée le voir de plus proche, caressant inconsciemment son rebord, comme hypnotisée sans comprendre pourquoi. Puis, elle avait regardé au fond du trou et elle n'y avait vu que du noir. L'infini était creusé juste sous ses yeux. Elle avait ri, doucement et, comme elle relevait les yeux, elle avait rencontré un regard aussi léger que le sien. Un homme d'environ quarante ans s'était approché du puits, une pièce à la main, avec un sourire complice. Emyria avait alors eu une idée intéressante... Après avoir fait un clin d'oeil à l'homme devant elle, elle lui avait désigné une petite affiche qu'elle avait fait apparaître près du puits:

Murmurez votre souhait à l'écho. Il vous entendra cent fois.

L'homme s'était alors penché vers le puits et lui avait chuchoté son envie d'inviter une jolie femme au restaurant. Emyria s'était ensuite concentrée pour lui insufler le courage nécessaire. Puis, elle avait trouvé une manière de se cacher dans le puits, qui était beaucoup plus confortable qu'une bague, et elle avait écouté d'autres souhaits en faisant de son mieux pour les réaliser. À partir de ce jour, la jeune femme était revenue des dizaines de fois. Cela lui permettait de mieux contrôler ses pouvoirs magiques, même si elle commettait parfois quelques erreurs.

-Excusez-moi mademoiselle... Je ne vous dérangerai pas longtemps, je me demandais juste ce que vous, vous souhaiteriez...? Je me cherche des idées de voeux, pour le puits...

Cette fois-ci, Emy n'avait pas eu le temps de se cacher qu'une jeune fille était arrivée. Elle lui fit donc, comme à presque tout le monde, un sourire incroyablement joyeux. Il lui semblait, d'ailleurs, l'avoir déjà vu passer plusieurs fois en coup de vent dans l'hôtel.

Que souhaiterait-elle? La liberté, probablement. Ou être totalement génie et perdre cette moitié d'elle qui avait envie d'autre chose. Ou Nathan Sinclair...

-Je ne sais pas... À vrai dire, je n'avais jamais réfléchi à ce genre de chose.

Emyria réalisait les souhaits des autres. Personne ne réalisait les siens. C'était ainsi, tout simplement.

-Mais je pense que l'idéal, quand on fait un souhait, c'est quelque chose qui n'est pas trop extravagant, quelque chose qui ne tombe pas du ciel... Parce que les choses qui tombent s'écrasent souvent... Alors, c'est toujours mieux de choisir un voeu simple, un voeu qui ne bouleversera pas notre vie en risquant d'écarter tout le reste.

Après des dizaines de maîtres, Emy commençait à connaître les désavantages d'obtenir des miracles sur demande. Les maîtres qui se contentaient de bonheurs simples en venaient beaucoup moins souvent à se détruire.

[C'est mon tour de m'excuser du délai, de la longueur et de la qualité... :P]

C’est qu’elle était jolie en plus cette mademoiselle. Alors qu’elle cherchait une réponse, elle avait un peu le regard perdu, du moins c’est ce qui me semblait, et je trouvais ça craquant. Il était rare que je sorte, mais j’étais très contente de l’avoir fait. Non seulement cela me permettait de changer d’univers et d’air, mais en plus je pouvais faire de belles rencontres. Oh, voilà que je m’emballais encore une fois. Les gens de mon espèce ne courraient pas les rues, malheureusement. J’avais tendance à l’oublier et à plutôt vivre dans un monde aux couleurs du fameux drapeau. M’imaginant que tout le monde me comprenait et partageait mes convictions. Tous les sourires que je donnais m’étaient redonnés, avec les mêmes intentions. Heureusement, je m’étais rappelé de la vraie réalité avant de lui faire des avances. Je l’aurais bien vu me gifler, puis partir en courant… Ouais, c’était plutôt ça, la vraie réalité…

-Je ne sais pas... À vrai dire, je n'avais jamais réfléchi à ce genre de chose.
-C’est le moment où jamais de le faire alors!

Encore ce grand sourire. Décidément, j’étais généreuse des sourires aujourd’hui. Même en sachant que je n’obtiendrais rien de plus de cette jeune femme, je lui prodiguais des sourires à outrance. J’espérais juste qu’elle ne pense pas que je voulais plus. Bon, d’accord, c’était le cas… Mais une plaint d’harcèlement, c’est pas très beau sur un dossier…

-Mais je pense que l'idéal, quand on fait un souhait, c'est quelque chose qui n'est pas trop extravagant, quelque chose qui ne tombe pas du ciel... Parce que les choses qui tombent s'écrasent souvent... Alors, c'est toujours mieux de choisir un voeu simple, un voeu qui ne bouleversera pas notre vie en risquant d'écarter tout le reste.

Elle était intelligente, en plus d’être jolie. Ça pourrait définitivement être la femme de ma vie, si elle était attirée par les femmes, elle aussi. Ce que je doutais fortement.

-Ouais, je comprends. Merci. Mais c’est quand même un choix restant assez vaste…

Je m’étais reconcentrée sur le puits, essayant de savoir, de façon simple, ce que je voulais réellement.