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Pluie d'un rêve dessiné [PV Leah]

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Jeremy Anderson

Jeremy Anderson

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L'artiste de l'ombre

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MessageSujet: Pluie d'un rêve dessiné [PV Leah] Pluie d'un rêve dessiné [PV Leah] EmptyMer 6 Jan - 17:19

[HJ: On avait dit qu'on en ferait un. J'ai eu envie de l'écrire. Tu réponds quand tu as le temps. Je suis encore jeune, après tout.]

Pour la plupart des gens, une journée pluvieuse annonce l'ennui, la lassitude, le spleen... Les goutes qui tombent du ciel, pareilles les unes autres dans toute leur grisaille, rapellent les pleurs ou n'apparaissent que trop rationnellement: de l'eau qui se retrouve sur le pavé et qui mouille les bas de pantalons. Les nuages empêchent le soleil de réchauffer l'humeur des gens et ceux-ci baissent les yeux à la place de sourire. On ne se lève que dans l'espoir de se recoucher plus vite. On rêve de rester à l'intérieur pour regarder le petit déluge qui se tient dehors. Sagement blotti dans un aquarium inversé, on tourne en rond sans comprendre pourquoi rien n'a d'intérêt s'il pleut. Le temps s'étire jusqu'à transformer les minutes en heures et le travail en torture. Une seule solution demeure idéale: dormir jusqu'au réel lever du soleil.

Jeremy avait toujours aimé la pluie, même quand il ne pouvait qu'imaginer la toucher à travers la fenêtre incassable de sa chambre à l'hôpital. Voir le ciel pleurer le fascinait et, parfois, il se perdait à contempler cette tristesse en cherchant pourquoi les autres n'étaient pas touchés par toute cette beauté. Le monde changeait de couleur quand la lumière se diffusait à travers le gris des nuages. La vie ressemblait aux vieux films en noir et blanc. Les gens étaient différents, comme rendus vulnérables par ces larmes intarissables qui n'étaient pas les leurs. Leurs yeux étaient plus sombres, leur regard voilé, protégé du monde entier. Ils étaient à la fois plus vrais et plus loin de la réalité, comme une toile.

Ce jour-là, le cours d'histoire de l'art du jeune homme ne lui avait pas paru plus long ou plus court que d'habitude. À vrai dire, il n'avait écouté qu'à moitié ce que le professeur racontait, ne notant que quelques bouts qui lui semblaient importants. Jeremy avait été distrait par la pluie et il avait dû faire des efforts surhumains pour essayer de se concentrer sur le contenu du cours plutôt que sur les dizaines d'idées d'oeuvres qui lui venaient. Quand le jeune artiste était inspiré, il peinait à lutter contre son esprit qui lui imposait presque des idées. Suivre ce qui se passait autour de lui plutôt que se laisser aller à des créations mentales lui était tellement difficile.

Dès que le professeur avait libéré ses sages étudiants, Jeremy avait ramassé ses affaires et il était allé droit à la cafétéria, car il avait trop besoin de dessiner pour attendre d'être chez lui. Il s'était installé à la première table libre qu'il avait vue et, pendant près d'une heure, il avait noirci une feuille avec un crayon de plomb. Papier et simple crayon font rarement les chefs d'oeuvres, mais le jeune homme ne dessinait pas, ce jour-là, dans le but d'impressionner quelqu'un. Il le faisait parce qu'il ne pouvait pas faire autrement. Il avait besoin de se libérer des images qui lui étaient venues en se laissant submerger par la pluie.

Son dessin, comme la quasi-totalité de ses oeuvres, ne rayonnait pas de joie. On y voyait une poupée aux traits parfaits vêtue d'un simple drap aux rebords déchirés. Tout autour d'elle étaient éparpillés des robes magnifiques et des bijoux brillants. Le tout prenait place dans une impersonnelle chambre de jeune fille. L'image aurait pu être follement banale, digne d'un catalogue pour enfants, si ce n'avait été de la tristesse évidente qu'on pouvait deviner dans les yeux de la poupée dont le reste du visage était totalement inexpressif. Pour ceux qui n'avaient pas la sensibilité nécessaire pour voir cette émotion, la cassure qui traversait le visage du personnage du dessin suffisait à convaincre du malheur du jouet. Jeremy n'avait pas essayé de passer un message, de faire comprendre la folie des apparences ou la douleur des enfants parfaits; il n'avait que laissé un crayon se promener librement sur une feuille de papier. Le message à tirer de l'oeuvre était laissé à la discrétion de celui qui la regarderait. La vérité serait dans l'oeil de celui qui regarderait.

Jeremy finit par lever les yeux de sur son travail pour observer les gens autour de lui. Ainsi, il referait doucement surface dans le monde réel, un monde où les crayons ne sont pas les clefs pour entrer dans un autre monde. C'est alors qu'il la vit. Elle. Le jeune homme ne se demanda même pas pourquoi elle était là ni même si elle allait le reconnaître. Il se leva et il alla vers elle, les yeux pleins d'un espoir presque sordide. Après tout, il y avait si longtemps...


-Leah?...Leah Carere?

Sa respiration se suspendit d'elle-même. Cette jeune femme ne pouvait pas être une autre que Leah, mais elle l'avait peut-être oublié...Ou pire, peut-être avait-elle volontaiement rompu son contact avec lui. Jeremy ne voulait pas perdre cette pensée que Leah avait essayé de le contacter, mais sans succès. Et si cet espoir n'était qu'une douce illusion?
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MessageSujet: Re: Pluie d'un rêve dessiné [PV Leah] Pluie d'un rêve dessiné [PV Leah] EmptyMer 27 Jan - 0:23

Tout de cette journée avait poussé Leah à être dans cette humeur massacrante. Elle s’était levé trop tard pour se préparer un café qui l’aurait aidé à l’affronter et cette négligence avait probablement réorienté tout son déroulement. Seule et sans caféine, elle avait du subir six heures consécutives de cours ennuyeux et où le dernier, «Droit Constitutionnel» avait complètement fini de l’achever. La matière y était particulièrement difficile et les exigences, très élevées. Elle détestait l’échec et ne pouvait concevoir d’avoir une note inférieure à la moyenne et même, qui s’en approchait trop. Elle était intelligente et se tenait toujours dans les premiers de classe, mais son BAC lui demandait beaucoup plus d’efforts qu’elle avait eu à en fournir dans toute sa vie. Tout ce qui était facile avant demandait maintenant bien plus de travail de sa part. De plus, elle devait apprivoiser une activité qu’elle n’avait jamais réellement eu à pratiquer : l’étude. Cette nouveauté n’avait rien de palpitant, et bien plus triste encore, n’en ayant jamais eu besoin, elle ignorant la meilleure méthode à utiliser. Elle avançait à tâtons dans cette discipline découvrant peu à peu ce qui était le plus efficace, tout en gaspillant beaucoup de temps. Elle s’était fabriqué des fiches, des résumés, des questionnaires, mais la meilleure méthode restait la relecture de ses notes.

C’est épuisé et de bien mauvaise foi qu’elle avait découvert la jolie température qui s’était emparée de San Francisco. La pluie s’acharnait à la tremper alors qu’elle était seulement protégée par la veste de coton qui recouvrait sa robe légère. La pluie froide amplifiait son sentiment d’infériorité et de découragement. Ses notes la préoccupaient beaucoup et le manque de repos associé à sa surcharge de travail n’aidait certainement pas. Elle n’avait bénéficié que de trois heures de sommeil la nuit dernière, ayant passé sa soirée à étudier et le reste de la nuit à parler avec son coloc. Elle aurait voulu ne s’acharner que sur ses études, mais elle avait besoin d’une vie sociale, de divertissement. Elle empiétait donc sur ses nuits pour avoir plus de temps, mais, heureusement pour elle, le maquillage existait et lui permettait de camoufler les affreux cernes qui auraient pu la trahir. L’humidité de cette journée avait affecté ses cheveux qui tombaient maintenant en bataille sur ses épaules, eux qui étaient habituellement parfaitement en ordre.

Elle se dirigeait maintenant vers la cafétéria avec un seul et unique but en tête : l’obtention d’une dose de caféine suffisante pour remédier à tous les malheurs de sa journée. Un très grand format en main, elle savoura la première gorgée qui descendit doucement le long de sa gorge. Déjà, un sentiment de satisfaction l’envahissait, elle se sentait mieux, réconfortée. Elle pouvait passer plusieurs heures sans manger si elle possédait un peu de sa boisson préférée. Elle n’avait pas des habitudes de vie saine et elle se fichait de l’effet néfaste que la caféine pourrait avoir sur elle. C’était la seule drogue que son père ne pouvait lui interdire et ce seul fait la faisait en boire toujours davantage. Elle ne comptait plus les nuits blanches passées à travailler, avec pour seule compagnie un grand gobelet de chez Starbucks.

Alors qu’elle se dirigeait vers la bibliothèque, elle remarqua un jeune homme, qui devait avoir environ le même âge qu’elle, se lever précipitamment et se diriger directement sur elle. Elle crut presque à une attaque jusqu’au moment où il prononça son nom. Sur le coup, elle resta muette le détaillant de haut en bas et cherchant dans ses souvenirs une trace de cet individu. Son visage presque livide assorti à une carrure moyenne ne lui revenait tout simplement pas. Elle avait beau chercher dans ses anciennes connaissances scolaire, dans ses «amis», dans ses anciennes conquêtes rien. Elle plongea brièvement son regard dans le sien. Ses yeux avaient quelque chose de fascinant, de singulier.

Un éclair de lucidité la frappa soudainement. En un instant les traits vagues du jeune homme s’étaient rajeunis dans l’esprit de Sara pour y former un visage si familier qu’elle aurait dû le reconnaître immédiatement. Cette découverte lui fit l’effet d’un coup de poignard dans l’estomac et laissa une sensation douloureuse dans sa gorge. Elle le voyait, là, devant elle, et plus aucun doute ne persistaient dans son esprit, c’était lui, elle en était sure, mais ne voulait pas y croire. Elle ne voulait pas qu’il lui adresse la parole, qu’il vienne lui rappeler toutes ces années qu’elle avait tenté de refouler, d’oublier, ses années qui lui rappelaient qu’un jour elle avait été faible, se laissant amadouer, se laissant éprouver des sentiments d’amitié pour quelqu’un… qui s’était empressé de l’oublier, aussitôt éloigné d’elle. Ce n’était pas la seule fois où c’était arrivé, mais c’était la première et c’est toujours la plus douloureuse. Le malheur de la nouveauté, l’ignorance du moyen de s’en sortir, de guérir.

Il était là, attendant d’elle une quelconque réponse qui tardait à venir. Elle aurait voulu lui sauter au cou, mais elle hésitait entre une étreinte amicale et la tentation de l’étrangler à deux mains. Il lui avait tellement manqué et lui en voulait pour cela. Il lui avait bien fait comprendre, par sa mère, qu’il ne voulait plus de contacts avec elle et maintenant il lui parlait? Il voulait l’humilier, ou était-il heureux de la voir? Malgré ses sentiments amicaux qui refaisaient surface en elle, elle voulait se protéger, elle devait se protéger. Elle était plus âgée et ne se permettrait pas reproduire les mêmes erreurs. Jeremy Anderson, après toutes ses années elle se souvenait toujours de son nom, naturellement, mais avec son nom revenaient toutes les choses qu’ils avaient en communs, la source même de leur amitié perdue.

Une vague d’anxiété vint l’atteindre. Dans toute sa vie, Jeremy avait été une des seules personnes qu’elle avait mise au courant de son anormalité. Ce secret si bien gardé jusque-là pouvait être menacé. Même si elle voyait très mal ce jeune homme qu’elle avait jadis si bien connu la trahir, au risque de faire dévoiler son propre pouvoir au grand jour, une inquiétude grandissait en elle. Elle ignorait sa motivation à lui parler et en avait peur. Elle l’avait connu si gentil, si compréhensif et d’une si bonne compagnie qu’elle le voyait très mal mijoter un quelconque plan contre elle… Mais il restait toujours dans son esprit les durs mots de la mère de Jeremy alors qu’elle lui annonçait qu’il ne voulait plus qu’il la contacte. Elle l’avait détesté et elle lui en voulait toujours. Elle devait être froide, distante, elle n’avait pas le choix, c’était vital.


- Heuuuuu … Elle avait fait semblant d’hésiter. Elle ne voulait pas lui donner la satisfaction de savoir qu’elle le reconnaissait tout de suite.
- Jérémy ... c’est ça? Elle n’aurait pas eu besoin de demander, elle le savait.
- Qu’est-ce que tu fais ici? Après toutes ces années... Elle avait presque murmuré.
- Qu’est-ce que tu me veux!

Son regard était glacé, haineux, elle ne voulait pas qu’il sache tout le mal qu’il lui avait fait, elle en avait tellement honte. Elle devait être forte, ne pas pleurer, malgré toute l'envie qui l'envahissait. Devant lui elle était faible, lâche, elle redevenait celle qu’elle était à douze ans, naïve et tellement optimiste. Elle ne savait plus si elle souhaitait qu’il s’explique ou si elle aurait préféré qu’il disparaisse, tout simplement.
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Jeremy Anderson

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MessageSujet: Re: Pluie d'un rêve dessiné [PV Leah] Pluie d'un rêve dessiné [PV Leah] EmptyLun 22 Fév - 17:08

[HJ: Je t'adore.]

Jeremy avait été amoureux de Leah Carere. Bien sûr, cet amour n'en avait pas été un de passion ou de folie. Il avait été simple et doux, presque enfantin. Quand le jeune homme avait commencé à aimer Leah, il était à peine sorti de l'enfance. Il n'avait donc pas pu l'apprécier en tant que femme, mais seulement en tant que jeune fille. Cela lui avait suffi pour lui faire une grande place dans son coeur, la plus grande. Elle était devenue la personne la plus importante pour lui, car elle était la seule qui semblait l'apprécier tel qu'il était. Elle ne le croyait pas fou et elle essayait de l'aider. Pour vrai, pour lui. Leah ne voulait pas transformer Jeremy en parfait garçon que tout le monde apprécierait, comme ses parents et les docteurs essayaient de faire. Elle se contentait de le conseiller, de lui expliquer ce que le monde extérieur attendait de lui et, même, comment il pouvait se jouer de ce monde et rester tel qu'il était tout en obtenant la liberté. Jeremy l'avait écoutée et on l'avait laissé sortir de l'hôpital, mais il avait perdu Leah...

Chaque jour, il avait attendu une lettre, un appel, une visite... Sa mère ne le laissait pas sortir suffisamment pour qu'il se rende chez Leah, mais Jeremy ne cessait d'utiliser tous les autres moyens pour entrer en contact avec elle. Un jour, trop inquiet, il avait demandé à ses parents la permission d'aller voir Leah, en personne. Sa mère avait donc pris un air blessé et désolé pour lui annoncer qu'elle lui avait caché quelque chose. C'est avec des grands yeux humides que la femme lui a expliqué que, touchée par les efforts de son fils, elle était allée voir Leah, tout aussi inquiète que lui qu'elle ne réagisse pas. Jeremy avait passé des mois à chercher pourquoi son amie avait dit à sa mère qu'elle ne voulait plus le voir, mais il était un bien trop gentil garçon pour aller embêter Leah alors qu'elle lui avait fait comprendre qu'elle voulait qu'il la laisse tranquille. Le jeune garçon avait donc gardé ses incertitudes et sa peine pour lui, sans jamais réussir à effacer complètement le souvenir de son premier amour de jeunesse.

Leah ne sembla pas reconnaître son vieil ami tout de suite. Jeremy envisagea sérieusement de partir en courant dans la direction inverse. Que lui avait-il pris? Leah avait décidé de ne plus le revoir et c'était normal qu'elle l'ait effacé de sa mémoire. Après tout, qui aurait pu vouloir d'une cause perdue comme lui? Son pouvoir magique ressemblait plutôt à une maladie; il ne pouvait pas ressentir d'amertume envers ceux qui le quittaient en apprenant sa...spécialité. Leah venait certainement le visiter à l'hôpital, comme on donne deux dollars à un organisme humanitaire: juste pour faire sa petite part pour la société. Quand il avait été libéré, Jeremy avait arrêté d'être un inoffensif moyen de faire le bien. Il était devenu une menace pour l'équilibre de la jeune fille, laquelle n'avait pas besoin d'un fou de quatorze ans dans sa vie. C'était l'explication que de longs mois de solitude et de questionnements avaient fait naître dans l'esprit du jeune homme.

*Vas-t-en...Disparais...* Jeremy ferma les yeux, pendant une seconde, sous le choc de la douleur. Souvent, quand une voix psychique le heurtait trop fort, une souffrance intolérable accompagnait son arrivée. Cette voix qu'il venait d'entendre était une espèce de pensée inconsciente de Leah, une pensée puissante et violente. En ouvrant les yeux, ils rencontra ceux, glacés, de Leah. S'il n'avait pas été pétrifié par la douleur, il serait probablement parti avant même qu'elle ne parle.


- Heuuuuu … Jeremy ... c’est ça?
-Oui...


Il savait qu'elle faisait semblant. Il avait appris à connaître Leah, une autre Leah, peut-être, mais tout de même elle. Il était tout de même heureux de constater qu'il décelait ce mensonge, tout en étant triste du mensonge en lui-même. Pourquoi agissait-elle ainsi? Si elle voulait faire comme s'il n'avait aucune importance, pourquoi ne faisait-elle simplement pas comme si elle ne le reconnaissait pas du tout?

- Qu’est-ce que tu fais ici? Après...

Leah avait presque murmuré, de sa voix si mélodieuse aux oreilles de Jeremy. Le jeune homme avait manqué la fin de ce qu'elle disait, car une nouvelle douleur était venue lui vriller l'esprit. *Tu n'as pas le droit de revenir...* Il leva un regard perdu vers Leah, tout en s'entendant répondre à sa question.

-Je suis à l'université...Toi aussi, probablement...

Jeremy ne pouvait pas détacher ses yeux de ceux de Leah, comme si ceux-ci pouvaient lui expliquer pourquoi elle semblait autant le détester. Ce qu'il entendait, dans sa tête, elle ne pouvait pas le nier. Le jeune homme connaissait son pouvoir. Il savait que ces voix qui venaient le hanter ne mentaient jamais, et c'était bien ce qui faisait toute leur horreur. Elles étaient à la fois murmurantes et hurlantes, comme de violents coups de vents dans sa tête. Un vent tranchant.

- Qu’est-ce que tu me veux!

La question tomba, en soulevant des centaines d'autres. Pourquoi semblait-elle croire que Jeremy lui voulait du mal? Il avait toujours été tellement gentil avec elle. Encore aujourd'hui, il restait doux alors qu'elle l'avait lâchement abandonné. Il avait tellement eu besoin d'elle... Toute la haine qui émanait de Leah torturait Jeremy, lequel finit par répondre, d'une voix tremblante.

-Je voulais juste...

Savoir pourquoi tu m'as laissé si seul...
Avoir une chance de te montrer que je peux vivre normalement, si tu es là...
Te faire comprendre à quel point j'ai eu mal...
Te dire que je suis prêt à te pardonner, si tu reviens...
Retrouver ma Leah...
Me perdre à nouveau dans tes yeux...
Te dire que je ne t'ai pas oubliée...


-...prendre de tes nouvelles...

Les yeux de Jeremy brillaient sous l'effort des larmes qu'il retenait. Revoir Leah le bouleversait au plus haut point, mais il aurait tout donné pour qu'elle ne parte plus jamais. Il était même prêt à endurer sa haine, s'il le fallait, pour la savoir près de lui. Elle avait été la seule à le comprendre. Tout ne pouvait pas avoir disparu comme de la fumée se dispersant entre les gouttes d'eau d'un ciel de pluie.
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MessageSujet: Re: Pluie d'un rêve dessiné [PV Leah] Pluie d'un rêve dessiné [PV Leah] EmptyMer 3 Mar - 17:05

[HJ: Oh que moi aussi je t'adore!]

Un lit d’hôpital qui se transforme en bateau de pirate, une chambre blanche devenue un château, les couloirs faisant office de pistes de course. Les infirmières avaient toujours été tolérantes envers Jeremy et Leah, peut-être parce que leurs parents dépensaient des fortunes pour cet établissement ou car ils n’étaient que de jeunes enfants avec quelque chose d’assez attachant. Peut importe la raison, elles les avaient toujours laissé jouer tranquille et semblaient même apprécier qu’il y ait un peu de vie dans ce lieu si triste et terne. Ils avaient passés des heures à arpenter cet édifice en quête de nouveaux endroits pour se perdre dans leur conscience d’enfant. Leah était peut-être un peu plus mature que son âge, et très tôt, Jeremy et elle eurent de grandes conversations sérieuses sur le pourquoi et le comment des choses. La naïveté de l’enfance leur avait permis de confier à l’autre leur particularité et de grandir avec la certitude que quelqu’un sur cette terre les comprenait. Jeremy avait été une des seules motivations pour la jeune fille d’aller visiter sa mère et ils avaient réellement été proches l’un de l’autre. Malheureusement, une fois sorti de l’institution, Jeremy ne donna plus de nouvelles à la jeune fille, refusant ses appels.

-Je suis à l’université, toi aussi probablement.

À l’université… Jeremy à l’université… Malgré la rancœur qu’elle entretenait pour lui, elle ne pouvait s’empêcher de penser à tous ceux qui le traitaient d’incapable. *Il a réussi! Vous le voyez comme moi!* Elle ignorait si les voix dans sa tête avaient cessées, elle ignorait tout des dernières années de sa vie, mais savait maintenant qu’il était ici, ce qui représentait un exploit selon les grands spécialistes qu’il avait pu rencontrer enfant. Quand tu grandis dans un asile, on ne donne jamais cher sur tes chances de réussir une vie dite normale. Et Leah n’était pas bien vieille quand elle sut que ces préjugés la dégoutaient, mais les temps avaient changé… Il était à l’université, et après? Ça ne lui donnait pas le droit de lui adresser la parole, quand on perd la confiance et l’amitié de quelqu’un, c’est pour la vie.

Elle avait parlé, lancé une remarque atroce comme pour lui signifier qu’il n’avait plus sa place dans sa vie. Elle était désormais bien trop remplie par des bouche-trous parfaitement satisfaisants : de fausses vérités, de fausses amitiés, de faux sentiments, de fausses dépendances, de faux espoirs…

-Je voulais juste… prendre de tes nouvelles.

L’ancienne Leah, la jeune et naïve adolescente qu’il avait jadis connue aurait immédiatement vu l’effort que Jeremy devait faire pour retenir ses larmes. Elle l’aurait regardé dans les yeux et y aurait décelé l’espoir qui y tenait. Elle l’aurait pris dans ses bras et lui aurait dit à quel point elle était fière de le voir là, surmontant sa particularité. Ils auraient discuté et auraient compris ensemble le mal entendu et tout serait redevenu comme avant. Mais Leah avait bien changé depuis. Son cœur, si on pouvait encore l’appeler ainsi, s’était durci pour empêcher quiconque de le pénétrer. Elle s’était forgé une carapace qu’elle souhaitait solide et infranchissable, mais la vue de son ancien ami d’enfance lui avait fait prendre conscience de toute la fragilité de cette illusion.

-Prendre de mes nouvelles ? C’est bien le temps maintenant… Avait-elle chuchoté.

Les mots s’étaient agrippés à sa gorge, menaçant de l’étouffer à mort. Déjà ses yeux s’humidifiaient et si elle ne mourait pas d’un manque d’air, elle mourrait de rage. Plus elle se sentait bouleversée par la présence de Jeremy et plus sa colère grandissait envers elle-même. Elle devait se ressaisir, maintenant. C’était bien le temps maintenant de s’inquiéter d’elle, elle qui avait passé tant de temps à attendre après un téléphone qui ne sonnait jamais, à attendre après des lettres qui n’arrivaient pas… Pourquoi était-il venu vers elle? Il n’avait pas répondu. Seulement pour tourner un peu plus le couteau dans son cœur et refaire saigner une blessure qu’elle avait crue cicatrisée a jamais? Il voulait la faire souffrir. Et bien s’il souhaitait jouer à ce jeu-là, il allait tomber sur une adversaire de taille, bien plus coriace que la Leah qu’il lavait connue il y a bien des années. Elle n’avait même pas remarqué à quel point tout ça semblait important pour lui, à quel point quelque chose semblait anormal. Elle savait comment l’atteindre, elle avait été si proche de lui à une époque. Elle savait ce qui le blesserait au plus haut point, mais elle hésitait. Peut-être par respect pour ce qui avait déjà existé entre eux, mais lui n’en avait rien à faire, et l’avait prouvé. Et puis, Leah n’avait plus de respect pour rien ni personne, pourquoi se gênerait-elle pour lui? Elle prit une grande respiration de manière à prononcer ses prochains mots d’une manière tout à fait différente que les précédents, avec une fausse assurance en plus.


-Tu es venu prendre de mes nouvelles comme cela, en voulant me faire croire que tu es à l’université?

C’était beaucoup plus qu’une question, c’était une attaque personnelle, comme si elle avait voulu qu’il avoue l’avoir suivie, juste pour lui faire du tord. Elle avait plongé profondément son regard dans le sien, plein de détermination et d’insensibilité. Elle devait s’en revêtir pour ne pas craquer, et elle ne craquerait pas.

-Si tu ne voulais rien savoir de moi avant, je ne vois pas pourquoi tu m’adresses la parole maintenant. Qu’est-ce qu’il se passe? Il n’y avait plus de place pour les fous dans les hôpitaux pour gens spéciaux et t’es débarqué ici pour m’embêter?

Les derniers mots avaient été appuyés, presque découpés au couteau dans l’espace qui les séparait. Elle avait enchaîné très rapidement entre ses deux phrases, sans crier ni chuchoter, leur discussion ne devait même pas attirer un regard et semblait probablement assez normale vue de l’extérieur. Son ton avait été glacé, méprisant, dur, mais faux. Elle souhaitait qu’il ne le décèle pas. Elle voulait que ses paroles le blessent suffisamment pour qu’il en oublie d’analyser sa manière de les prononcer. Lorsqu’ils étaient enfants, elle ne l’avait jamais cru fou, et ils le savaient tous les deux, mais elle souhaitait que l’insulte, venant d’elle et après tant d’années le refroidisse assez pour qu’il prenne le temps de se demander si elle le pensait vraiment et qu’elle puisse en profiter pour s’éclipser rapidement.

Si elle s’était presque étranglée en répétant les paroles du jeune homme, les mots qu’elle venait de prononcer lui broyait littéralement l’intérieur. Elle avait rêvé pendant si longtemps de cracher son venin et de lui faire payer chacune des larmes qu’elle avait versées pour lui, mais maintenant elle aurait souhaité que le temps s’arrête, efface ses derniers mots et soigne ses blessures. Elle aurait voulu lui pardonner, mais en était incapable. Elle ne savait même pas si c’était ce qu’il souhaitait. Elle ne savait plus rien de lui, elle ne le connaissait plus. Elle ne savait rien, perdue dans ses émotions, qu’elle avait cru disparues à jamais, alors qu’elle avait fermé son cœur et jeté la clé loin au fond de son être.
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MessageSujet: Re: Pluie d'un rêve dessiné [PV Leah] Pluie d'un rêve dessiné [PV Leah] EmptyMar 16 Mar - 23:40

[HJ: Je m'excuse du délais! Tu aurais mérité que je te réponde la première seconde!]

Entre l'impression blanchâtre et froide que Jeremy tirait toujours des souvenirs de son enfance, il pointait des moments magiques. La vie terne entre les murs pales de l'hôpital disparaissait quand Leah lui rendait visite. La petite fille avait tapissé la jeunesse de son ami d'un arc-en-ciel de douceur et de rires. Elle lui avait permis de grandir plutôt que vieillir. Elle lui avait fait oublier les corridors silencieux, les nuits aux murmures troublants et les fenêtres blindées qui ne laissaient passer aucun air frais. Leah avait chassé, à chaque visite, la noirceur et l'ennui. Bien sûr, la peur n'avait jamais vraiment disparu. Elle avait été omniprésente, se faufilant entre les reflets lumineux de leurs jeux, de leurs univers illusoires. Jeremy n'avait jamais cessé de craindre toutes ces choses qui le rongeaient en permanence, toutes ces questions qui lui étouffaient l'âme. Et si les médecins avaient raison? Et s'il ne sortait jamais de l'hôpital? Et si Leah ne revenait plus jamais? Et si ses parents arrêtaient de venir le voir? Et si les voix ne voulaient plus se taire, même pas une seconde? Heureusement, Leah endormait les peurs de Jeremy, les réduisant à de subtils murmures qui attendaient son départ avant de reprendre leur place. Elle avait été le soleil qui teintait le monde de paillettes dorées.

-Prendre de mes nouvelles ? C’est bien le temps maintenant…

Jeremy ne comprenait rien. De quoi parlait-elle? À l'entendre, on aurait crû que c'était lui qui lui avait dit de partir, de sortir de sa vie. Pourtant, c'était bien Leah qui avait tout fait pour l'éviter et qui, finalement, avait fait passer un message très clair signifiant la fin de leur amitié.

*Arrête de me bouleverser...* Cette fois, Jeremy n'avait pas fermé les yeux. Il les avait planté dans ceux de Leah, espérant y trouver des réponses aux questions qu'il n'osait pas se poser. Malheureusement, le jeune homme frappait un mur avant de pouvoir atteindre quoi que ce soit. L'âme de Leah était protégée par une barrière de diamant, solide comme rien d'autre au monde, transparente mais trop épaisse pour laisser voir à travers. Pouvait-on construire des pierres précieuses aussi coupantes pour se cacher derrière? Pour Jeremy, jamais rien n'avait été à l'épreuve de son amie. À la cachette, elle avait toujours été la meilleure, trouvant chaque fois un nouvel endroit ou une nouvelle manière de se dissimuler. Elle avait peut-être trouvé la cachette parfaite: un bocal indestructible et totalement hermétique qui empêchait même Jeremy de la deviner complètement.


-Leah, je...

Le jeune homme ne trouvait pas les mots. Il sentait que tellement de choses lui échappaient. Il n'avait jamais vraiment compris pourquoi Leah était partie, comment elle avait fait pour effacer aussi facilement toutes ces années d'amitié. Aujourd'hui encore, il cherchait sans trouver. Au fond, il n'arrivait même pas à y croire, même après tout ce temps à se torturer l'esprit. Il ne parvenait pas à oublier ce qu'elle avait été pour lui, cet ange au sourire un peu mordant qui lui avait fait aimer la vie sans qu'il finisse par trop s'user les mains à gratter contre la fenêtre de sa chambre pour un peu d'air frais.

-Tu es venu prendre de mes nouvelles comme cela, en voulant me faire croire que tu es à l’université? Si tu ne voulais rien savoir de moi avant, je ne vois pas pourquoi tu m’adresses la parole maintenant. Qu’est-ce qu’il se passe? Il n’y avait plus de place pour les fous dans les hôpitaux pour gens spéciaux et t’es débarqué ici pour m’embêter?

Le regard de Leah était presque aussi horrible que ses paroles. Jeremy sentit quelque chose mourir en lui, à la fois lentement et subitement. Il voyait le reflet de son agonie le narguer dans les yeux de celle qui avait été son amie et il n'arrivait toujours pas à comprendre. Son esprit refusait ce qu'elle disait, sans toutefois pouvoir nier qu'elle avait bien prononcé de telles paroles.

Où était passée celle qui lui disait, lui hurlait même, que tout était possible? La Leah qu'il avait connue n'aurait jamais douté, et surtout pas aussi ouvertement, qu'il puisse être à l'université, même après tout ce qu'il avait traversé. Jeremy était tellement ébranlé qu'il n'arrivait pas à savoir si son ancienne amie était sincère ou si elle tentait encore de lui mentir pour qu'il parte sans qu'elle n'ait à le lui demander. Elle ne pouvait dire ce genre de choses sans les penser. C'était trop bas et trop méchant.

Jeremy ne pouvait pas s'être trompé à ce point sur son compte. Il avait crû que Leah était une merveille, un cadeau, une fée cristalline... La jeune femme qui se tenait sous l'ennuyeuse lumière des néons de la cafétéria n'avait rien de celle qu'il avait aimée. Elle était distante, tranchante, méchante... Même lorsqu'ils avaient eu des disputes, durant leur jeunesse, les deux enfants ne s'étaient jamais permis des insultes ou des commentaires gratuits et vils. Dire de Jeremy qu'il était fou était plus blessant que... que n'importe quoi, en réalité, puisque son amie avait été mise au courant, il y avait longtemps, que le garçon ne réussisait jamais à se défaire de l'impression que son esprit ne fonctionnait pas normalement, qu'une pièce était brisée ou même de trop dans sa tête. Il était comme un jouet qui aurait été cassé puis réparé avec des morceaux d'autres jouets, des morceaux qui ne lui allaient pas.

La violence des propos de Leah avait tellement frappé Jeremy que celui-ci n'avait même pas noté la partie précédant l'insulte, celle où la jeune femme rappelait qu'il ne voulait pas d'elle dans sa vie. Il avait complètement zappé le passage, absorbé dans un tourbillon de peine justifiée par des mots injustifiables à ses yeux. Figé, le souffle coupé, le jeune homme laissa échapper ce qu'il avait à la main sans trop s'en rendre compte. Inconsciemment, en se levant, il avait ramassé son dessin, lequel volait désormais vers le sol, dans une danse tombante et inégale. Il ne s'en souciait pas.

Jeremy cligna quelques fois des yeux pour chasser la pluie qui était venue de l'intérieur pour lui brouiller la vue. Il se mordit la lèvre pendant une seconde, le temps de trouver le courage de parler, alors que les larmes chassées à coups de cils s'enfuyaient sur ses joues. Il ne sentait même pas leur brûlure ainsi que la froideur nouvelle de l'air qui frôlait ses joues mouillées.


-D'accord, j'ai compris. Je n'avais pas compris, la première fois mais, cette fois-ci, je m'en vais pour de bon... Je te souhaite de tout oublier mieux que moi...

Puis, il se tourna et partit, ne parvenant même pas à réfléchir assez pour en vouloir à sa voix de s'être brisée sur les derniers mots. Il aurait pu lutter, essayer encore de percer les diamants glacés qui s'agrippaient au coeur de Leah, mais il abandonnait. À quoi bon se battre si sa Leah, celle qui le voyait tel qu'il était, n'existait plus. Elle avait disparu, emportant avec elle le soleil, les étoiles et même les nuages de pluie...
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MessageSujet: Re: Pluie d'un rêve dessiné [PV Leah] Pluie d'un rêve dessiné [PV Leah] EmptyMer 7 Avr - 16:40

Six ans plus tôt…


Imagine me without you.
I’d lost and so confused.
I’d be afraid, without you there to see me through.


Et il partit.

-Jeremy…

Leah avait dit son nom doucement, mais de manière quelque peu autoritaire, comme elle seule savait le faire. Elle attrapa son bras pour l’entrainer à l’écart dans ce grand corridor d’un blanc immaculé, tant pis pour les autres, ils attendraient. Elle voulait être seule avec lui pour la dernière fois avant longtemps. Les larmes ruisselaient sur ses joues et tout son corps tremblait légèrement. C’était aujourd’hui. Elle appréhendait cette journée depuis si longtemps déjà, sans pouvoir s’en attrister vraiment; pour Jeremy, il s’agissait d’une très grande victoire. Elle attrapa ses deux mains et plongea son regard dans le sien. Ils n’avaient pas besoin de mots pour se comprendre, mais elle avait besoin de parler, elle voulait être certaine.

-Ne m’oublie pas…

Les mots étaient à peine compréhensibles au travers des sanglots qui les teintaient. Jeremy la prit doucement dans ses bras, aux creux desquels elle se vautra pour pleurer encore, et encore. Elle ne releva la tête que pour dire les quelques mots que l’histoire désigna pour être les derniers.

-Je suis si fière de toi… Elle avait pris sa respiration, comme pour dire quelque chose de vraiment important. … Mais tu vas tellement me manquer… Jeremy, je…

Les derniers mots se noyèrent dans une nouvelle vague de larmes. Ils restèrent enlacés en silence jusqu’à ce que les parents du jeune homme viennent les séparer douloureusement.


***


Everytime I try to fly, I fall without my wing,
I feel so small,
Everytime I see you in my dreams, I see you face,
It’s haunting me.


Un petit bout de chair se déchirait tranquillement dans sa poitrine et lui provoquait d’atroces souffrances. Était-ce son cœur qui renaissait de ses cendres, ranimé par la présence de Jeremy? Comme un phénix longtemps négligé, oublié, camouflé pas les mensonges. Car s’il était vrai et connu que Leah mentait à merveille, une autre réalité la surplombait : elle se mentait à merveille. «Charité bien ordonnée commence par soi-même ». Et bien, cette théorie s’adapte facilement à l’art du mensonge. Comment pourrait-on mieux convaincre quelqu’un de nos dires que lorsque nous en sommes nous-mêmes convaincus? Le vide dans son estomac, causé par la trop faible portion de nourriture absorbée depuis 24h, vibrait au rythme accéléré des battements de son cœur. Les larmes s’accumulaient dans sa gorge, mais elle n’en laisserait aucune se rendre à sa joue, il y avait un trop grand risqué qu’elle ne puisse plus jamais s’arrêter. Le visage devant elle forçait des images longtemps oubliées à la hanter encore.

Leah était lâche et faible. C’était probablement faux, mais cette idée s’incrustait dans son esprit, et tranquillement, elle finirait par y croire. Envers n’importe qui d’autre, elle serait simplement partie, mais quelque chose de bien plus fort que tous les sentiments que la jeune femme croyait ressentir depuis des années la retenait à son passé, la forçait à l’affronter pour comprendre. Pour la plupart des gens, cette option passerait pour courageuse, mais Leah n’était pas de cet avis, puisqu’en échange de ses réponses, elle devrait laisser tomber son masque un moment. Ce masque qu’elle avait mis des années à forger et à mouler parfaitement sur son visage, qui lui apportait tant de réconfort.


-D'accord, j'ai compris. Je n'avais pas compris, la première fois, mais cette fois-ci, je m'en vais pour de bon... Je te souhaite de tout oublier mieux que moi...

Plus rien n’existait. Ni le si joli dessin abandonné au sol, ni les gens autour d’eux. Tout était disparu, mis à part les derniers mots qu’il avait prononcés. La jeune femme ne comprenait plus rien. Soit il lui manquait des informations, soit il voulait l’achever. Lui faire croire que tout était de sa faute. Si tel était l’objectif, il prêchait une convertie. Sans pouvoir dire ce qu’elle avait fait de mal, elle s’était toujours reproché l’attitude de Jeremy. «Je te souhaite de tout oublier mieux que moi…» *Han?* Tout oublier… *Oublier?* Oublier… Comme si la jeune femme avait déjà envisagé de pouvoir y parvenir. Elle avait méticuleusement choisi de ne pas y penser, de tout enfouir très loin au fond d’elle-même, mais la douleur restait aussi fraîche qu’au tout début. Jamais elle ne pourrait oublier leur complicité, ses sourires, leurs longues discussions, ce qu’elle était avec lui… Elle était différente, elle était bien.

Et il partit. Encore.

Les yeux luisants de larmes brulantes d’avoir été gardées en ébullition depuis des années, Leah redevint exactement celle qu’elle était à treize ans. Il partait, encore, mais cette fois, tout était pire. La dernière fois, il était parti en lui laissant une illusion d’amitié, cette fois, il repartait avec les explications qu’elle attendait depuis six ans. Le masque glissait sur son visage, au même rythme que l’unique larme qui le trempait.


-Jeremy…

Leah avait dit son nom doucement, mais de manière quelque peu autoritaire, comme elle seule savait le faire. Elle attrapa son bras pour l’entrainer à l’écart, sans lui donner le choix de la suivre ou non. Elle ne souhaitait nullement s’humilier en public et c’est pourquoi elle l’avait entraîné près du mur, auquel elle faisait maintenant face, Jeremy devant elle. Dos au reste du monde elle méritait des explications, et les voulait.

-Qu’est-ce qui nous est arrivé Jeremy?

Elle avait haussé le ton, teinté de désespoir dans cette froide journée de pluie. Il devrait parler, elle le tenait fermement et elle ne le laisserait pas la quitter comme ça. Pas encore. Pas lui. Elle devait comprendre.

-Pourquoi tu m’as laissée toute seule? Tu n’avais plus besoin de moi sur ton petit nuage de liberté?

Sa voix marchait en équilibre sur un fil balancé par le vent, menaçant de se briser à tout instant. Une deuxième larme avait rejoint la première, puis une troisième. Bientôt, il serait trop tard, elle ne pourrait plus rien arrêter. Elle n’avait pleuré qu’une seule fois depuis sa dernière rencontre avec Jeremy, et pour lui ses yeux étaient restés secs. Elle avait été trop triste pour pleurer, comme si même les larmes n’étaient pas assez puissantes pour la situation. Au lieu de couler normalement sur les joues, elles préféraient rester à l’intérieur pour lacérer ses entailles et lui brûler l’estomac. Pleurer l’aurait soulagé du poids énorme qu’elle supportait, mais elle n’y arrivait pas. Elle préférait se recroqueviller dans ses souvenirs, et souffrir. Elle avait toujours gardés se ongles longs et les avaient souvent enfoncés dans son bras pour transférer la douleur de son être à son corps. Ça soulageait sur le moment, et avait la qualité d’être très discret… Elle n’avait plus jamais remis les pieds à l’institut où Jeremy avait résidé, malgré sa mère qui y habitait. C’était trop difficile…

When I found you I was blessed,
I’ll never leave you, I need you.
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Jeremy Anderson

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MessageSujet: Re: Pluie d'un rêve dessiné [PV Leah] Pluie d'un rêve dessiné [PV Leah] EmptyVen 11 Juin - 15:57

(Seigneur... le délais. Tue-moi.)

Six ans plus tôt, quelques mois après le départ de Jeremy de l'hôpital

Un garçon de quatroze ans descendait fébrilement l'escalier qui le mènerait à la porte de sa maison. Il y avait si longtemps, trop longtemps, qu'il n'avait pas parlé à Leah... Elle ne répondait pas à ses appels, n'écrivait pas, ne venait pas le voir... Pourtant, il lui avait semblé que la jeune fille l'appréciait vraiment. Elle s'étaitmontrée comme une excellente amie alors qu'il était enfermé avec d'autres gens dont l'esprit ne fonctionnait pas comme l'exigeait la société. Ils avaient appris à se connaître. Il avait appris à l'aimer comme il avait l'impression de ne plus pouvoir aimer une autre personne. C'était un sentiment étrange, à mi-chemin entre l'amour et l'amitié, entre l'adoration et la complicité, entre la chaleur et la douceur... C'était l'amour d'un garçon qui avait quitté l'enfance, mais qui n'était pas encore un adulte. Un garçon qui ne grandirait peut-être jamais totalement, car on l'avait empêché d'être totalement un enfant. Leah était son premier amour, son premier rêve... et il avait eu l'impression qu'il comptait pour elle. Alors, s'il n'avait aucune nouvelle d'elle depuis qu'il était enfin libre, c'était inquiétant.

Jeremy avait donc décidé d'aller directement chez Leah pour voir ce qui n'allait pas. Il avait trouvé le moyen de dénicher son adresse etil avait prévu s'y rendre en taxi, avec les économies qu'il avait faites sur l'argent que lui donnaient généreusement ses parents. Peut-être était-il arrivé quelque chose de grave à la jeune fille... Si c'était le cas, Jeremy ferait tout pour l'aider; Leah avait été son plus grand soutien pendant si longtemps...

Il allait franchir la porte lorsqu'il réalisa que sa mère paniquerait certainement en remarquant son absence. Il se dirigea donc vers le salon pour aller lui expliquer la situation. Les larmes qui vinrent flouer le regard de la femme devant lui l'empêchèrent de courir avant qu'elle ne parle. Pourtant, il sentait qu'elle allait mentir. Encore. Et qu'il devrait y croire. Comme toujours. Comme tout le monde.

Ce jour-là, les larmes de Mme Anderson innondèrent le monde de Jeremy, y noyant son premier rêve, transformant un amour naissant en épave engloutie par l'amertume...

***

Derrière chaque grand homme se cache une femme.
Derrière chaque petit garçon se cache une mère.
On ne peut y échaper, que cette femme soit merveilleuse ou monstrueuse...

***

Comment s'éloigner d'une personne quand celle-ci a les griffes plantées dans notre âme et menace de la déchirer? Jeremy n'avait pas peur des coupures, maintenant qu'ils les connaissaient. Il anticipait déjà la douleur vide et criante de tous ces soirs qu'il passerait encore à penser à Leah. Seulement, il y était préparé. Il savait quelle horreur sourde l'envahirait une fois qu'il serait à nouveau persuadé d'avoir perdu Leah... ou de ne jamais avoir compté pour elle.

Jeremy n'avait eu recours à aucune force en lui pour s'éloigner de Leah; c'était seulement une résignation à encore souffrir. Il était lâche, mais elle ne lui laissait pas le choix. C'était avoir mal sans elle ou ouvrir ses blessures sous ses yeux. Et il ne voulait pas lui donner l'occasion d'y jeter encore plus de venin.


-Jeremy…

Cette voix... comme une fléchette empoisonnée jetée dans son coeur. Il en fut paralysé. Il ne put faire autrement que la laisser l'amener à l'écart. Si elle voulait constater parfaitement l'étendue des ravages, il ne l'en empêcherait pas. Seulement, il garda les yeux baissés. Ses joues étaient suffisamment mouillées pour que la jeune femme devine sa tristesse sans plonger son regard de glace dans le sien.

-Qu’est-ce qui nous est arrivé Jeremy?

Il aurait tellement aimé avoir la force de lui répondre avec rage à quel point elle n'avait pas le droit de lui poser cette question. Elle l'avait abandonné... Ce qui était arrivé était clair, non? Il n'y avait aucune interrogation à avoir: Leah en avait eu assez de son ami fou et elle avait choisi de couper les ponts avant qu'il s'immisce dans sa vraie vie. Elle ne voulait pas d'un boulet...

Jeremy garda le silence et ses yeux continuèrent à fixer le sol. Qu'attendait-elle de lui? Voulait-elle qu'il laisse exploser sa douleur devant elle pour qu'elle la savoure? Elle n'était pas si méchante... Ou peut-être que oui, justement. Il ne la connaissait plus. Il avait crû tout savoir d'elle, être capable de la deviner comme personne. Et elle n'avait plus voulu de lui, sans même avoir le courage de le lui dire directement. Alors, peut-être était-elle assez horrible pour espérer contempler la peine de Jeremy et se plaire à en déguster chaque tressautement de déception.


-Pourquoi tu m’as laissée toute seule? Tu n’avais plus besoin de moi sur ton petit nuage de liberté?

Les paroles, mais surtout le ton de la voix, firent relever d'eux-mêmes les yeux de Jeremy vers ceux de Leah. Mais pourquoi pleurait-elle, elle aussi? Regrettait-elle de lui avoir fait du mal? S'en voulait-elle, en le réalisant, ce jour-là? Et toujours ces questions qui n'avaient pas besoin de réponses... Ces questions qui ne voulaient rien dire. Ces mensonges cachés derrière des points d'interrogation... À quoi jouait-elle? Voulait-elle se déculpabiliser en le rendant responsable de son départ? Si c'était le cas, elle serait déçue... Jeremy se sentait incapable d'assumer une telle imposture.

-Je ne t'ai pas laissée toute seule... Je t'ai écrit cent fois, téléphoné mille fois... Tu ne me répondais pas... Que voulais-tu que je fasse?

Sa voix était faible, incertaine. Il avait mal de lui avouer à quel point il avait désespérément essayé de ne pas la perdre. Il baissa à nouveau les yeux, cherchant en lui une force qu'il avait l'impression de ne pas avoir. Néanmoins, il trouva quelque chose qui y ressemblait, quelque chose qui lui permit de planter à nouveau son regard dans celui de Leah. Et il se maudit de sentir le gris de ses iris se diluer dans toute cette eau qui n'arrivait pas à ne pas couler sur son visage.

-Si au moins tu avais eu assez de respect pour moi pour me le dire directement... Je n'arrive pas à comprendre que tu m'aies menti si longtemps en te disant mon amie... et je ne peux pas accepter que tu aies dit à ma mère que tu ne voulais pas de moi dans ta vie plutôt que m'en parler directement.

Il avait essayé d'être ferme, mais il n'y était pas parvenu. Leah écrasait en lui tout ce qui aurait pu persister de volonté à se montrer fort. Au moins, peut-être lui expliquerait-elle pourquoi elle lui avait fait vivre un si grand mensonge avant de laisser lâchement la vérité venir étouffer ce qui restait d'espoir en lui...
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